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La substitution d’un contrat assurance Emprunteur, des risques à mesurer avant de souscrire…
La loi Lemoine pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur promulguée en 2022 facilite le changement d’assureur avec la substitution à tout moment et la suppression de la sélection médicale dès lors que les critères de la loi Lemoine sont respectés.
En simplifiant l’accès à l’assurance Emprunteur, ces deux mesures favorisent un fort développement des affaires réalisées en substitution d’un contrat d’assurance de prêt déjà existant, alors que les assurances de nouveaux prêts sont en recul en raison de la hausse des taux d’intérêt et du ralentissement des octrois de crédit.
Néanmoins la substitution présente certaines difficultés notamment pour des situations non explicitées par la réglementation à date.
Afin de se prémunir face à des risques déjà avérés et de préserver le caractère aléatoire des contrats, certains acteurs ont ajouté dans leurs contrats d’assurance Emprunteur de nouvelles clauses d’exclusion des affections préexistantes à l’adhésion (notamment pour les adhésions sans sélection médicale), avec, dans certains cas, des clauses à portée assez large pouvant aller jusqu’à l’exclusion des conséquences des pathologies antérieures à l’adhésion en Incapacité / Invalidité voire en Décès / PTIA.
Pour le consommateur, le risque de non continuité de couverture entre l’ancien et le nouveau contrat se trouve ainsi renforcé, avec des conséquences potentielles non négligeables notamment en cas de survenance d’un sinistre dont voici quelques cas de figure :
- l’ancien contrat ne couvre pas l’incapacité / invalidité après la résiliation (exclusion du type : ‘le service des prestations cesse à la fin du contrat’) alors que ces pathologies antérieures ou les conséquences de celles-ci sont exclues dans le nouveau contrat,
la survenance d’un sinistre arrêt de travail pendant la période de délai de carence préalable à la prise d’effet des garanties du nouveau contrat, ce qui ne permet pas la prise en charge, - pour l’assuré qui décide de changer d’assureur en ayant eu un arrêt de travail sur le premier contrat, risque, en cas de rechute ou d’invalidité liées à la cause de cet arrêt de travail, de se voir refuser la garantie auprès du nouvel assureur,
- refus de prise en charge d’un sinistre en raison de la présence d’exclusions plus restrictives sur le nouveau contrat souscrit (ex : sports, activités ou professions à risque).
Ces difficultés liées à la substitution sont également soulignées par le médiateur de l’assurance dans les 2 avis suivants :
- certains assurés se sont vu opposer un refus de prise en charge d’un sinistre survenu avant la prise d’effet du nouveau contrat en raison de la résiliation du contrat. Dans ce cas, le médiateur retient « qu’il aurait fallu distinguer la garantie, qui a pu disparaître, et les prestations qui, nonobstant cette disparition, sont maintenues. Si l’on préfère, quand l’obligation de couverture est éteinte, l’obligation de règlement demeure pour les sinistres passés. » (https://www.linkedin.com/posts/arnaud-chneiweiss-431bb720_maezdiation-assurance-activity-7017144960432893952-hTOS),
- en revanche, dans le cas où le délai de franchise est une condition de garantie, le médiateur retient que « l’ancien assureur peut légitimement opposer un refus de prise en charge alors que le nouveau contrat n’a pas pris effet » et indique qu’ « on peut ainsi s’interroger sur l’opportunité de maintenir ce type de conditions qui créent un trou de garantie pour l’assuré » (https://www.linkedin.com/posts/arnaud-chneiweiss-431bb720_assurance-maezdiation-activity-7047568233150705664-NTiz).
Alors que la règlementation actuelle ne permet pas de clarifier ces règles de fonctionnement, des actions à trois niveaux pourraient être envisagées afin d’améliorer cette situation :
1. améliorer l’information et le conseil auprès des consommateurs lors de la distribution en attirant leur attention sur le risque encouru en cas de pathologie en cours et sur les limites de garanties du nouveau contrat,
2. affiner la prise en compte des impacts de la loi Lemoine et de l’augmentation des substitutions sur l’estimation des risques et des engagements par les actuaires, avec notamment :
- une revue de la délimitation et la portée des garanties afin d’identifier / limiter les risques de non continuité entre les contrats en cas de substitution,
- la réalisation du provisionnement des garanties subséquentes accordées (intervenant après la résiliation de l’assurance-crédit),
- l’adaptation des tarifs et des provisions techniques en prenant en compte la hausse observée des résiliations anticipées et le risque d’antisélection induit par la suppression sous condition de la sélection médicale.
3° proposer / encourager une harmonisation des pratiques de place visant à faciliter la continuité de couverture des contrats d’assurance Emprunteur, de façon similaire à la loi Evin qui prévoit des prestations différées, avec de nouvelles règles qui pourraient, par exemple, consister à :
- assurer la prise en charge par l’ancien contrat des sinistres incapacité / invalidité survenus avant la substitution (même s’ils se prolongent après la substitution),
- veiller à la prise en charge des décès / PTIA par le nouveau contrat même s’ils sont la conséquence d’une pathologie survenue antérieurement à la prise d’effet du contrat.
Conclusion :
L’ensemble des conséquences de l’ouverture du marché de l’assurance Emprunteur observée à l’occasion de la loi Lemoine et le développement de la substitution n’ont pas été anticipé par la réglementation, notamment le risque de non-continuité de la couverture en cas de changement d’organismes assurantiels.
L’attention des actuaires est particulièrement appelée sur :
- le risque d’antisélection lié à la suppression sous conditions de la sélection médicale, qui ne pourra être réellement appréhendé que dans la durée, d’autant plus que la période actuelle de restrictions sur les octrois de crédit va dans le sens de la sélection des risques,
- en revanche, le risque de non continuité des garanties en cas de substitution nécessite, dès à présent, une analyse approfondie de la définition des garanties avec des impacts potentiels sur le tarif et le provisionnement.
Le groupe de travail « Assurance des Emprunteurs » de l’Institut des actuaires a prévu de lancer, pour sa rentrée 2023, des travaux d’étude d’impact sur la tarification et le provisionnement des solutions proposées. Cela permettra d’enrichir la réflexion de place nécessaire afin de proposer des garanties encore mieux adaptées aux situations de changement d’organisme assurantiel qui sont désormais facilitées par la loi Lemoine et qui seront de plus en plus fréquentes à l’avenir.
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