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03 juin 2014

L’assurance à l’heure du digital

Les assureurs doivent prendre en compte les nouveaux usages liés au numérique et faire évoluer leurs offres.

Le numérique change les habitudes de vie et de consommation, notamment chez les jeunes. Les assureurs doivent prendre en compte ces nouveaux usages et faire évoluer leurs offres. Mais l’analyse comportementale qui devrait permettre d’affiner les modèles n’en est qu’à ses prémices.

L’arrivée massive des outils numériques (smartphones, tablettes, objets connectés...) dans les modes de vie et de consommation n’a pas épargné l’assurance, à l’instar de tous les grands secteurs d’activité BtoC (Business to consumer). Un phénomène qui a d’abord touché les jeunes mais qui s’étend de plus en plus au reste de la population, y compris aux seniors. Avec des conséquences directes pour les professionnels. À charge pour eux d’adapter leur organisation et leurs offres aux nouveaux comportements induits par le digital. Tous les assureurs en ont perçu les enjeux. C'est même, selon l’un d’eux qui a souhaité garder l’anonymat, « au cœur de nos priorités stratégiques pour les dix ans à venir. Nous savons que nous ne devons pas rater ce virage ». Et tous de s’interroger sur la manière de déployer cette stratégie. [traitement;requete;objet=article#ID=771#TITLE=Les comparateurs d’assurance divisent ]

Nouveaux outils, nouvelles attentes

D’autant que les paramètres habituels se trouvent remis en question. Alain Burtin, actuaire et directeur marchés, intelligence clients, et services d’Allianz France a pu le constater chez les plus jeunes de ses clients qui s’appuient sur le numérique pour obtenir de nouvelles offres de la part de leurs assureurs : « Ces consommateurs sont plus exigeants sur la qualité de service, mais également sur la rapidité et la simplification des processus. C’est aussi une population paradoxale, car ils aiment les offres packagées du fait de leur simplicité mais, simultanément, ils détestent cela car y figurent des garanties pour lesquelles ils ne veulent pas payer. L’assureur doit donc trouver l’adéquation entre l’offre et la demande. » Un casse-tête que certains assureurs parviennent à résoudre en proposant des offres modulaires, ce qui les oblige néanmoins à modifier leurs modèles tarifaires. « C’est un mouvement que nous avons amorcé il y a trois ans, et désormais, chaque fois que nous lançons un produit, nous avons un socle de base avec des garanties essentielles et nous laissons le client choisir sa formule. Par exemple, auparavant l’offre santé proposait le tout-optique et le tout-dentaire. Aujourd’hui, l’offre est découpée, le client paye les garanties optionnelles », souligne Alain Burtin.

Mais le digital induit bien d’autres nouveaux comportements : « Les utilisateurs n’hésitent plus à aller sur Internet pour rechercher des offres d’assurance. Nous sommes dans une logique de multi-accès qui doit être satisfaite par plusieurs canaux », explique Alain Burtin. Chez les moins de 30 ans la consultation se fait essentiellement sur les smartphones, tandis que leurs aînés (notamment ces fameux seniors) privilégient une visualisation sur les tablettes. Les assureurs doivent donc adapter les interfaces à ces différents outils numériques. Pas question, en effet, de présenter sur l’écran d’un téléphone mobile ou d’une tablette le même dossier que dans une agence. Surtout que la demande sur les terminaux mobiles est encore très souvent factuelle : « Les gens recherchent avant tout un prix. Cela a également un impact sur les modèles. Car les clients qui démarrent une recherche sur Internet ne sont pas les mêmes que ceux qui se déplacent en agence. Internet oblige les assureurs à être techniquement beaucoup plus rigoureux. Il faut une vigilance tarifaire plus grande car, s’il y a une erreur ou s’il y a vraiment un gros écart avec la concurrence, le client s’en va. Alors que, dans les agences, il est possible de rectifier immédiatement le tir sans que cela nuise à la contractualisation », indique Alain Burtin.[traitement;requete;objet=article#ID=773#TITLE=Le principal canal pour acheter une police d’assurance en Europe]

La relation client revisitée

Autre élément important sur lequel ont beaucoup travaillé les assureurs et qui conditionne également la proposition tarifaire : le questionnaire en ligne. « Quand une personne arrive dans une agence, nous avons tout de suite plusieurs informations sur elle (sexe, âge…). Sur Internet, c’est beaucoup plus compliqué. Auparavant, le questionnaire comportait beaucoup de questions sur la personne avant de passer à la raison de sa visite. Aujourd’hui, nous allons plus vite sur le risque à assurer, car les internautes veulent une réponse rapide. À savoir le prix. » Quoi qu’il en soit, les assureurs possédant des réseaux physiques font le maximum pour que les clients terminent leur parcours en agence : « Très peu d’entre eux vont jusqu’à l’achat en ligne », confirme Damien Bourgeois, directeur CRM (gestion de la relation client) et connaissance clients d’Axa France. D’autant que cela peut être l’occasion de lui vendre davantage d’options ou d’autres contrats. Besoin de conseil personnalisé, peut-être, mais aussi absence d’offres exclusives pour Internet, même en ce qui concerne l’offre récemment lancée par Axa France et spécialement destinée aux jeunes (Switch by Axa). Cela n’empêche pas les assureurs uniquement online de se développer même si, pour le moment, leur poids sur le marché (particulièrement en France) reste marginal.

Dans tous les cas, cette gestion multicanale a d’importantes répercussions sur le back-office des assureurs : « Il faut des systèmes de pilotage et de suivi cohérents. Nous devons capter l’information client et savoir l’envoyer au bon endroit », note Alain Burtin. « L’organisation est la clé de la réussite de ces stratégies : il faut que cela suive au niveau des agents généraux. Ils doivent être très réactifs et savoir traiter rapidement une information qui arrive en temps réel. Si, dans une demande de devis via un smartphone, il n’y a pas une réponse dans les deux heures, nous perdons le client », confirme Damien Bourgeois. Axa France a formé des communities managers (animateurs de communauté comme les forums et les réseaux sociaux) qui viennent des services client traditionnels pour dialoguer avec la clientèle en ligne. La compagnie a également mis en place un suivi de sinistre en ligne et un SAV par Twitter, « c’est immédiat pour s’exprimer quand le client n’est pas satisfait », précise Damien Bourgeois.[traitement;requete;objet=article#ID=775#TITLE=Amaguiz : le pionnier français du comportemental ]

Le Big data surtout pour le marketing

Mais pour connaître les attentes de ces internautes, les assureurs doivent surtout avoir le réservoir de données le plus exhaustif possible. Les données internes sont ainsi croisées avec les données statistiques disponibles sur le marché (celles de l’Insee par exemple). Mais peu d’entre eux ont déjà franchi l’étape suivante, celle du Big Data, qui fait appel à des données non structurées (SMS, tweets, messages Facebook). Une attitude bien différente de celle des assureurs anglo-saxons, qui n’hésitent plus à utiliser ce type de technologies, notamment pour récupérer des données comportementales. Cependant, en France, où l’utilisation des données personnelles est assez strictement encadrée, l’attitude des professionnels reste prudente. Leur utilisation des données numériques se fait progressivement et surtout pour des visées marketing : « Le digital permet de récupérer l’appréciation d’un client en temps réel, par exemple de mesurer son mécontentement sur un acte de gestion de sinistre. Et pour nous de réagir vite », souligne Alain Burtin, qui met aussi en garde sur l’utilisation des informations récupérées sur les réseaux sociaux : « La population qui s’exprime sur ces réseaux n’est pas forcément représentative de tous les clients. Attention à l’extrapolation, il faut rester vigilant. » Néanmoins, d’ores et déjà, les actuaires savent que l’amas de données générées par les activités digitales des clients et prospects des compagnies d’assurances sont autant d’informations qu’ils vont devoir intégrer dans leurs modèles afin de concevoir les offres de demain.[traitement;requete;objet=article#ID=777#TITLE=Interview de Benoît Douxami]