Aux frontières de l’assurabilité ?
Nouvelle hausse des émissions de gaz à effet de serre en 2017, bilan de la COP 23 décevant… Se prépare-t-on vraiment au pire ?
Une augmentation des températures au-delà de l’objectif de 1,5 °C sera-t-elle supportable sans priver une partie de la population et des acteurs économiques de la possibilité de s’assurer ? C’est la question à laquelle répondra la Caisse centrale de réassurance (CCR) en juin. L’entreprise travaille sur une nouvelle modélisation de l’impact financier du risque climatique, calée sur le scénario de réchauffement du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le plus pessimiste, à savoir entre + 3,2 et + 5,4 °C en 2100. Une différence de taille avec la précédente modélisation réalisée en 2015, basée, elle, sur un scénario de réchauffement moyen compris entre + 1,7 et + 3,2 °C. Alors pourquoi refaire les calculs ? « L’étude de 2015 montre que l’augmentation de la sinistralité Cat Nat causée par des événements climatiques devrait doubler d’ici à 2050, précise Bertrand Labilloy, actuaire certifié IA et directeur général de la CCR. Mais le changement climatique n’explique que 20 % de cette augmentation, 80 % étant imputables à l’évolution des valeurs assurées et à la densification de zones très exposées. Dans ces conditions, l’évolution mécanique des primes permettrait d’absorber le surcoût. Nous avons en revanche besoin de tester la robustesse du régime (régime Cat Nat, NDLR) avec une borne supérieure. » Pas de quoi s’inquiéter pour autant. « Le régime actuel n’a besoin que d’un simple toilettage et son principe même restera valable quoi qu’il arrive », affirme Bertrand Labilloy. La raison de cette confiance ? « Toutes les évaluations se font sur une politique de prévention inchangée, or c’est le principal chantier à ouvrir », ajoute-t-il. La prévention, clé de voûte de la pérennité du système : voilà qui rassemble tout le monde. « Les actions de prévention et de sensibilisation des élus, des territoires, des assurés doivent devenir prioritaires et accompagner la réflexion des pouvoirs publics », souligne Stéphane Pénet, directeur du pôle assurances de dommages et de responsabilité de la FFA.
Mesurer la vulnérabilité
Pour prévenir ces risques, encore faut-il mesurer l’exposition. Dans cette optique, le cabinet de conseil Carbone 4, soutenu par la CCR ainsi que par sept autres organismes publics et privés, vient de développer une nouvelle méthode baptisée CRIS pour Climate Risk Impact Screening. La méthode innove côté aléas par le nombre d’événements climatiques pris en compte (16 en tout) et côté vulnérabilité par le nombre de secteurs étudiés : 60 pour le corporate, 20 pour les infrastructures, le tout dans 210 pays. « L’avantage inédit de cette méthode, c’est qu’il s’agit d’une approche bottom-up et pas d’une pure moyenne statistique descendante, commente Gaël Giraud, chef économiste de l’AFD. Les risques forts sont bien surpondérés. » Pour se faire une idée de l’assurabilité du monde dans les décennies à venir, les premiers résultats de la méthode CRIS sont consultables sur le site www.crisforfinance.com. Et basés sur un scénario de réchauffement moyen de… + 4 °C.