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21 septembre 2017

Changement climatique : une autre forme de déni ?

Encadré

Contrairement à la menace cyber qui, avant de frapper, évolue dans un monde virtuel, la menace climatique se déroule dans un monde bien réel. Regardons-nous pour autant la vérité en face ? Réponse avec Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche au CNRS et chercheuse au Cesco-MNHN.

L’actuariel : Sous-estimons-nous le risque climatique ?

Anne-Caroline Prévot : Il est très difficile d’imaginer l’importance des bouleversements à venir. On est sans doute très proche d’un point de basculement dit « effet de seuil », où même les scientifiques ne savent pas ce qui va se passer. Or, contrairement à une cyberattaque, le dérèglement climatique peut toucher chacun dans son intégrité, sa santé et son bien-être. Au niveau individuel, le risque est donc jugé à la fois trop complexe et trop angoissant par rapport à nos capacités d’y répondre. Les psychologues nomment ce phénomène la dissonance cognitive : entre l’ampleur de la menace et nos moyens limités d’action, l’inconfort émotionnel devient trop fort. Cette réaction émotive peut aller jusqu’au déni, pour nous protéger nous-mêmes. Comme pour le cyberrisque mais pour des raisons différentes, le déni nous a fait passer de la possibilité de l’évitement à l’obligation d’adaptation.

L’actuariel : Qu’avons-nous du mal à remettre en cause ?

A.-C.P. : Le changement climatique bouleverse notre rapport à la nature. Nous Occidentaux, nous avons toujours vécu sur le mythe d’une nature providentielle, aux capacités de renouvellement infinies, malgré l’usage productiviste que nous en avons fait. Il bouleverse également notre rapport à la technique et à sa supposée toute-puissance : beaucoup croient d’ailleurs encore qu’elle pourra nous sauver et rattraper tous les dégâts occasionnés par nos activités. Pour toutes ces raisons, il faut repenser l’humain dans le système du vivant et retrouver un peu d’humilité.

L’actuariel : Comment s’en sortir ?

A.-C.P. : Autre point commun avec le cyberrisque : être alarmiste n’est pas productif et il ne faut surtout pas croire que donner l’information suffit pour faire passer le message. Tout dépend du moment, de nos croyances, du porteur du message mais aussi de notre groupe d’appartenance, car il est très difficile de penser différemment de ses pairs. Tant qu’on reste dans sa communauté, ça fonctionne. Mais dès qu’on en sort, les blocages apparaissent. Si vous êtes une entreprise, votre credo est la croissance. Tout discours qui vient le contrecarrer est taxé a priori d’« écolo », perçu comme une leçon de morale et donc rejeté sans discussion. Inversement, les écolos ont du mal à croire à la capacité du monde économique à relever le défi. Pour casser ces stéréotypes, il faut cesser les discours hiérarchisés (celui qui sait parle à celui qui ne sait pas). Chacun devient alors acteur et pas simplement receveur d’information. C’est ce que font déjà les sciences participatives autour de la biodiversité.

À lire : Le Souci de la nature, sous la direction de Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot, CNRS Editions, avril 2017.

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