Un monde de possibilités pour les actuaires
Travailler pour une start-up, fonder sa propre entreprise… L’essor des fintechs et des assurtechs offre aux actuaires une nouvelle manière de vivre leur métier. Retour d’expériences.
L’éclosion des start-up, une opportunité de carrière supplémentaire pour les actuaires ? Christelle Dieudonné, actuaire certifiée IA en charge de la Practice Insurance and Financial Services au Groupe Aliotts Executive, en est convaincue. « Les jeunes actuaires ne sont pas les seuls concernés. Un profil senior fort d’une expérience professionnelle dans des entreprises d’assurances établies possède une bonne compréhension des enjeux business et de leurs impacts opérationnels en termes de gestion des risques. Il peut apporter une réelle valeur à une start-up. La rémunération de ces profils seniors peut constituer un point bloquant, ces structures en devenir ayant rarement les ressources pour intégrer ce type de collaborateurs. Une construction innovante du package de la rémunération (participation au capital, Long Term Incentive Plan) et de la relation contractuelle peut être un élément de réponse pour les intégrer. » Les grands groupes font toujours recette chez les jeunes actuaires. Mais les start-up ont des arguments percutants pour les séduire. « Il y a un virage actuariel qui est en train de se produire en termes de choix de carrière, d’intérêt. Les jeunes générations que je côtoie veulent avoir un impact sur la société dans laquelle elles travaillent. Les assurtechs sont une réelle opportunité pour les actuaires d’endosser le rôle de créatifs en même temps que celui de techniciens », juge Aurélien Couloumy, actuaire certifié IA, dirigeant de la société Agorisk et maître de conférences associé à l’Institut de science financière et d’assurances (Isfa).
Être au cœur du changement
Chef d’entreprise, c’est le pari d’Alexandre Hassler, actuaire associé IA. Il a fondé Lyon Re, un nouveau service d’assurance qui combine l’intelligence artificielle et la blockchain. Une entreprise née après une réflexion sur le modèle assurantiel : « Aujourd’hui on constate qu’il y a une augmentation croissante des risques avec notamment les changements climatiques et les évolutions socio-économiques. En tant qu’actuaires, nous avons la responsabilité de tester des alternatives pour résoudre ces problématiques. » Être au cœur du changement de l’assurance, c’est également la motivation de Fabrice Staad pour quitter son poste de directeur vie chez Generali et rejoindre l’équipe d’Alan, une assurance santé digitale lancée en octobre 2016, en tant que VP Actuary and Insurance Products. « Participer à la création d’une société d’assurance alors qu’on travaille dans le milieu depuis dix ans, c’est extrêmement excitant. J’avais en moi cette envie d’entreprendre mais pas forcément les outils pour le faire », analyse-t-il.
Composer avec l’absence de données
Quitter un grand groupe pour intégrer une start-up, une occasion de renouer avec les réalités concrètes du métier d’actuaire. « Lorsque j’étais responsable de la tarification IARD d’un assureur mutualiste, je supervisais les choses, présentais les résultats des travaux aux instances dirigeantes. Aujourd’hui je fabrique à nouveau. J’avais besoin de retrouver le challenge intellectuel de me frotter aux sujets et de les faire avancer directement », indique Guillaume Serdeczny, responsable de la tarification pour une assurtech suisse. Un contact avec la matière qui se double d’un défi : l’absence de données. « Je n’ai pas accès à des données de sinistralité et cela oblige à adopter une approche un peu originale. Il faut aller chercher des données open data, de marché, interviewer des experts et empiler les hypothèses en essayant de maîtriser le niveau de fiabilité qui ressortira à la fin », explique Guillaume Serdeczny. Une appétence pour les sujets d’innovation et une aptitude à la polyvalence sont les clés pour réussir à s’intégrer dans une start-up. « Je continue à faire de l’actuariat traditionnel avec du coût moyen fréquence mais je développe aussi des modèles de data science, je m’occupe un peu de la comptabilité, du budget et du marketing », souligne Marie Huyghues-Beaufond, actuaire certifiée IA, responsable de l’actuariat et de la datascience au sein de Moonshot-Internet. Dans une start-up, pas de tour d’ivoire. Pluridisciplinaire, l’actuaire doit faire le pont entre les différents services. Mais également accepter que l’univers des start-up soit compliqué : l’intégrer est un risque et la réussite n’est pas toujours au rendez-vous.