Antoine Delarue, directeur-fondateur de Servac Consulting, actuaire certifié IA, spécialiste du fina
« Découpler les droits contributifs et les droits non contributifs est la clé d’une adaptation aux besoins »
Antoine Delarue, directeur-fondateur de Servac Consulting, actuaire certifié IA, spécialiste du financement de la protection sociale, notamment de la retraite
L’actuariel : Êtes-vous favorable à une nouvelle réforme des retraites ?
Antoine Delarue : Il faut partir d’un diagnostic lucide sur les forces et les faiblesses du système existant. Sa force est de procurer un haut niveau de remplacement aux carrières linéaires complètes effectuées dans chacun des régimes composant le dispositif. Loin d’être un archaïsme, leur hétérogénéité selon les situations et les statuts professionnels a permis justement une bonne adaptation à des terrains variés, suscitant l’attachement des cotisants fidèles. Un régime unique aurait inévitablement nivelé par le bas (ou va le faire), y compris l’appétence à cotiser, pourtant essentielle à la pérennité de la répartition. Je n’y suis pas favorable. Sa faiblesse tient à la pénalisation relative des parcours pluriels, choisis ou subis, propres à la génération Y. Passant d’un régime à l’autre, ils n’auront accès ni aux bonus ni aux garanties des cotisants restant dans leur silo, alors même qu’ils cotisent comme eux. Le manque de lisibilité et de filet de sécurité de la retraite de ces carrières mobiles ou hachées est grave car cette population est ou se met justement le plus en risque économique.
L’actuariel : Comment rétablir équité et lisibilité quel que soit le parcours ?
A.D. : Le fonctionnement en points fournit une piste solide car il garantit par construction l’équité contributive. La pluralité des régimes pourra être conservée pourvu que les conditions de liquidation des différents points soient harmonisées (mêmes âge pivot et coefficients de modulation avant et après). La lisibilité de la retraite découlera de la simple addition des droits acquis dans les différents régimes traversés, sans la complication actuelle des calculs parasites en trimestres et de l’effet de seuil du « taux plein ». Le trimestre tel qu’il est repéré pourra par contre servir d’unité pour les droits additionnels à accorder aux carrières méritantes (enfants élevés, longue durée, etc.) ou fragiles. Ces droits non contributifs seront servis sur une base égalitaire, par un régime cette fois unique. Les actifs à risque, tels que les « Neets », pourront être détectés par leurs parcours en trimestres et se voir proposer des parades adaptées (formation, rachat de trimestres, minimum par trimestre validé, etc.) selon des modalités à inventer. Le découplage des droits contributifs et des droits non contributifs est ainsi la clé d’une adaptation aux besoins d’une économie et d’une société plus fluides mais toujours solidaires. Les premiers seront servis par les structures existantes, recentrées et basculées en points, les seconds regroupés dans un régime transversal de solidarité (RTS), assurant un filet de sécurité d’ensemble avec un financement distinct.
L’actuariel : Passer à un système à points présente-t-il des avantages ?
A.D. : Le découplage libérera le potentiel d’innovation des points en introduisant de nouvelles flexibilités respectant l’équité. La retraite par étapes, déclenchant une simple majoration des valeurs d’achat des points ultérieurs, ouvrira la voie à de secondes carrières très populaires, sans la complexité ni l’iniquité des dispositifs actuels de cumul emploi retraite ou de retraite progressive. Le prépartage des droits conjugaux exprimés en points protégera les survivants d’unions fragmentées plus efficacement que les règles actuelles de réversion, disparates et inéquitables.