Entretien avec le Professeur Andrew Cairns
Professeur Andrew Cairns
Directeur du Centre de recherche actuarielle, HWU (Écosse)
L’actuariel : Quel est l’impact de l’allongement de la longévité sur les modèles actuariels ?
Andrew Cairns : Jusqu’à une époque récente, les tables de mortalité étaient simplement des outils de calcul. Et c’est seulement maintenant que nous commençons à vraiment utiliser des modèles. L’utilisation de modèles stochastiques de mortalité nous donne non seulement des prévisions en central ou en best estimate, mais aussi un moyen de mesurer l’incertitude autour de cette tendance. Ce n’est pas un hasard si ce basculement vers les modèles stochastiques s’est produit en même temps que l’apparition du risk management, l’arrivée de Solvabilité II et des taux bas.
L’actuariel : Comment les actuaires peuvent-ils appréhender le sujet ?
A.C. : Améliorer la longévité peut être une source de perturbation. C’est aussi la conséquence du fait que l’on a échoué à considérer le risque de mortalité correctement, comparativement à d’autres risques comme le risque de taux, etc. Au Royaume-Uni, l’amélioration non anticipée de la mortalité a eu de graves incidences. Mais cela a permis d’accélérer l’innovation en matière de transfert de risque. C’est là un défi stimulant qui s’offre aux actuaires pour les prochaines années. À savoir, comment gérons-nous de manière efficace les business en portefeuille ? Ensuite, comment faire en sorte d’éviter une surexposition au risque de longévité à l’avenir ?
L’actuariel : Comment, pour les assureurs, gérer le risque de longévité ?
A.C. : À l’avenir, et sur le long terme, je pense qu’il faut que l’on revienne vers un meilleur partage du risque entre retraités, assurés et assureurs. Mon point de vue est que le système peut fonctionner à deux conditions. La première est que l’âge de la retraite doit s’adapter mécaniquement (et sans intervention des gouvernements !) à une modification de l’espérance de vie. La seconde est que les pensions actuellement en cours de paiement doivent être réajustées d’une année sur l’autre (tout comme une indexation sur l’inflation) en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.
L’actuariel : Avez-vous le sentiment que ces changements sont suffisamment anticipés par les assureurs ?
A.C. : Les plus grandes entreprises (et, je pense, les réassureurs), dont l’exposition au risque de longévité est importante ou en évolution rapide, ont investi beaucoup de temps et d’énergie pour comprendre le risque et mieux le modéliser.
Propos recueillis par B.M.