L’industrie sale de la transition énergétique
La transition énergétique actuelle est loin d’être « verte ». L’industrie minière et les équipements solaires et éoliens ont des impacts sur les sols, l’eau et l’air. Un paradoxe que de nombreux lanceurs d’alerte dénoncent.
« La plus fantastique opération de greenwashing de l’histoire. » De quoi s’agit-il ? De la transition énergétique selon Guillaume Pitron, auteur du livre La Guerre des métaux rares, sorti en janvier (Éd. LLL). Guillaume Pitron n’est pas le premier à s’alarmer des impacts environnementaux de la transition. Mais cette attaque frontale a, sans doute pour la première fois, fait écho. Le cri d’alerte sera-t-il entendu ? Le fait est que le sujet ne préoccupe pas pour l’instant les maîtres d’œuvre des scénarios censés nous conduire vers un monde plus propre. « Bien sûr, tous ces scénarios de la transition estiment, quoique chacun avec sa méthode, la baisse attendue des émissions de gaz à effet de serre : c’est le but de l’opération ! En revanche, les conséquences négatives sur la biodiversité sont complètement hors de leur radar », remarque Nicolas Raillard, du think tank The Shift Project. Rappelons que l’effondrement de la biodiversité inquiète désormais autant les scientifiques que le changement climatique.
Or l’exploitation minière est classée parmi les industries les plus polluantes, selon le Blacksmith Institute, avec des impacts sur les rivières et les nappes phréatiques, les sols et l’air. Des impacts certainement à nuancer en fonction des pays et des opérateurs, mais dont quelques exemples parmi les pires se trouvent dans L’État des lieux des conséquences graves de l’exploitation minière, rédigé par l’association SystExt (Fédération des ingénieurs sans frontières).
« Les Occidentaux ont exporté hors de leurs frontières toutes ces activités, justement parce qu’elles étaient sales », poursuit Guillaume Pitron. « En dissociant production des métaux et consommation, nous avons organisé le déni de réalité », renchérit Philippe Bihouix, l’un des premiers à avoir mis en garde sur cet aspect de la transition.
L’industrie minière a également des besoins colossaux en eau. « Or nombre d’exploitations et de projets sont situés en zones arides ou semi-désertiques, où le changement climatique renforcera probablement le problème, alors qu’une forte concurrence entre usages de l’eau est déjà présente, avertit Alain Geldron, expert national matières premières à l’Ademe. Au Chili, par exemple, la mine de cuivre de la compagnie BHP Billiton construit une installation pour dessaliniser l’eau de mer, qui sera transportée sur 150 kilomètres ! » Conséquence : « L’augmentation des impacts environnementaux ne pourra pas continuer ainsi et rendra l’exploitation de certains gisements aléatoire. »
Se dirige-t-on vers une impasse ? De fait, passer aux 100 % énergies renouvelables implique une production gigantesque d’équipements, sans compter les surfaces qu’ils occuperont au détriment, là encore, de la biodiversité. Si l’on regarde, par exemple, les scénarios de Mark Jacobson (voir article principal), « ils tiennent du délire industriel, estime Philippe Bihouix. Pour ne prendre que l’éolien, il faudrait multiplier le parc mondial installé par 25 (13 000 GW contre 500 GW aujourd’hui) en une ou deux décennies, avant d’ailleurs de tout recommencer compte tenu de la vitesse d’usure des équipements ». Pour Guillaume Pitron, « c’est bien simple, la transition énergétique a été, jusqu’à maintenant, pensée totalement hors sol ».