Mutuelle : un beau terrain de jeu pour les actuaires
La transformation des mutuelles et leurs nouveaux enjeux lancent autant de défis aux actuaires. Modélisation de pilotage des risques, construction de produits, les opportunités sont nombreuses.
Des enjeux techniques et business, des produits et des services à inventer, des structures de gouvernance à mettre en place et un pilotage des risques à construire : de toute évidence, les regroupements et les évolutions qui interviennent dans le secteur des mutuelles ouvrent un « magnifique terrain de jeu aux actuaires », comme le note Emmanuel Roux, directeur général d’Aesio. « Je dirais que nos modèles économiques sont en pleine mutation, du point de vue de l’IARD, des projets autour des objets connectés et de la voiture autonome. Sur le plan du suivi des marges techniques, cela modifie complètement la donne. Tout cela permet de positionner l’actuariat comme une fonction partenaire du développement .» « Les rapprochements vont dans le bon sens pour les actuaires du point de vue de leur spectre d’action, affirme François Beugin, chez PwC. On va vraiment vers la notion d’actuaire augmenté. »
Innover dans l’expertise actuarielle
Les projets de fusion eux-mêmes nécessitent une expertise actuarielle pointue. « Les actuaires jouent déjà un rôle intéressant lors de la création des groupes prudentiels, note -Marie-Laure Dreyfuss, chez Actuaris. Il y a des seuils techniques de solidarité financière à mettre en place et il faut des actuaires pour les tester. Pour -l’ACPR, il faut construire un dossier avec les équipes prudentielles. » Dans la mesure où chaque groupe se construit « au cas par cas », en fonction des entités préexistantes, « il faut parfois inventer ce que signifie le pilotage actuariel dans ce genre d’entreprise, ajoute Adrien Couret, à la Macif. Et il va se créer des pilotages transversaux. C’est un sujet qui monte et qui contribue à l’intérêt croissant que représente le secteur mutualiste pour les actuaires. »
Au-delà des enjeux strictement prudentiels, les actuaires peuvent apporter leur expertise dans l’élaboration de nouveaux produits et services. « Quel est le secteur d’activité aujourd’hui où les investissements vont être plus conséquents ? », s’interroge Jean-François Poletti, associé conseil assurance chez Deloitte. Des investissements qui laissent entrevoir de larges perspectives. Utilisation des données de santé, e-santé, création de nouveaux business models digitalisés, développements autour de l’accompagnement, du bien-être et de la prévention, les thématiques ne manquent pas, particulièrement pour les professionnels formés à l’utilisation de la data. D’ailleurs, regrette Isabelle Hébert, à la MGEN, « il n’y a pas énormément d’actuaires qui s’intéressent au risque santé et aux données de santé, alors que c’est un champ énorme qui s’ouvre ». Les compétences des actuaires en modélisation mathématique seraient également très utiles dans les biotechs ou la e-santé.
Tous ces nouveaux domaines constituent encore une opportunité supplémentaire pour la profession. À l’heure où le système de protection sociale évolue, et pas toujours dans le bon sens, « il faut aussi mieux comprendre les comportements des assurés pour mieux les accompagner », ajoute Adrien Couret. Avec plusieurs millions d’assurés à leur actif, les groupes mutualistes les plus importants auront pour rôle de « fixer et d’observer des standards en matière d’éthique et de protection des données, de créer un cadre de confiance pour les assurés ». Un rôle qui leur sera naturellement dévolu aussi parce que les mutuelles font partie des acteurs économiques auxquels les Français font le plus confiance.
Donner du sens à son métier
Dernier point mais sans doute pas le moins important, le modèle mutualiste, avec toutes ses valeurs, représente aujourd’hui pour une génération qui cherche à retrouver du sens dans sa vie professionnelle « une véritable alternative à l’entreprise privée, conclut Olivier Pastré. Les mutuelles correspondent vraiment au constat que les jeunes ont envie d’autre chose que du CAC. »