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06 janvier 2014

« Il est urgent de reconsidérer la frontière entre privé et public », Gérard Cornilleau, Économiste

Interview Cornilleau

l'actuariel : Comment jugez-vous le partage actuel des rôles entre la Sécurité sociale et les complémentaires ?

Gérard Cornilleau : Le système actuel, qui voit les complémentaires rembourser une part croissante des soins courants, évolue de manière inquiétante. En freinant l’accès aux soins des personnes qui n’ont pas les moyens, il peut avoir des effets négatifs sur la santé publique. Peu équitable, il laisse près de 2,5 millions de personnes non couv-ertes par une complémentaire. En outre, il renchérit le coût de ces complémentaires qui, paradoxalement, sont taxées pour financer l’assurance obligatoire.

L'actuariel : Quelles pourraient être les alternatives ?

G.C. : Certains proposent la mise en place d’un bouclier sanitaire qui permettrait la prise en charge à 100 % de l’ensemble des dépenses dépassant un seuil annuel, correspondant par exemple au niveau actuel du « reste à charge » moyen, soit environ 500 euros par an en 2008. Un tel système éviterait le détour actuel par les affections longue durée (ALD), assez compliqué à gérer*.

l'actuariel : Quel serait alors le rôle des acteurs privés ?

G.C. : Si on optait pour un bouclier sanitaire croissant avec le revenu, les ménages les plus pauvres étant pris en charge à 100 %, les ménages aisés pourraient décider de s’autoassurer pour les dépenses sous le plafond. Les complémentaires pourraient alors se retirer des remboursements des dépenses de soins courants et se consacrer à la prise en charge des dépenses hors champ de l’assurance publique, soit les prothèses dentaires et l’optique. Elles pourraient intervenir plus activement qu’aujourd’hui pour structurer l’offre de soins. Leur rôle de payeur principal dans ces secteurs justifierait qu’on leur délègue la responsabilité de traiter avec les professions concernées. 

l'actuariel : Vous évoquez également l’absorption des complémentaires par la Sécurité sociale…

G.C. : Oui, à l’instar de ce qui existe en Alsace Moselle, où la complémentaire est intégrée au régime général, moyennant une cotisation de 1,5 %. Ce système est très économe en gestion (1 % des prestations versées). C’est appréciable en France où les frais de gestion (7,3 % des dépenses courantes de santé) sont plus de deux fois ceux que la moyenne des pays de l’OCDE, essentiellement en raison du système à deux étages. Les assureurs complémentaires dépensent 20% en gestion sans valeur ajoutée particulière en matière de régulation du système de soins. Il est urgent de reconsidérer la frontière entre privé et public, sinon la tendance à privilégier la baisse de la prise en charge publique se renforcera au détriment de la rationalisation du système et de l’équité dans la prise en charge.

*Pour les ALD, l'ordonnance bizone distingue les prescriptions en rapport ou non avec une affection de longue durée (ALD) exonérante.

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