Entretien avec Jean-Marie Nessi
Jean-Marie Nessi
Président de la commission de qualification de l’Institut des actuaires, actuaire agrégé IA
L’actuariel : Quel regard portez-vous sur le système de formation des actuaires ?
La question fondamentale aujourd’hui en matière de formation est que l’on ne se cantonne pas à une définition restrictive de l’actuariat, associé à l’assurance et à l’application de la réglementation. Dans la mesure où l’actuariat développe et utilise depuis cent cinquante ans des techniques mathématiques très avancées, que l’on voit prendre corps dans la data science et la gestion des risques, est-ce que l’on ne devrait pas maintenant présenter l’actuaire comme un expert généraliste, capable de devenir une référence en matière de gestion des risques macroéconomiques, dans un périmètre beaucoup plus large que celui de l’assurance ?
L’actuariel : Est-ce un débat qui traverse toute la profession ?
Pas véritablement, parce que la réglementation a fait un pont d’or aux actuaires, et les a empêchés de se challenger eux-mêmes, par rapport au marché et par rapport à leur avenir. Le risque aujourd’hui pour la profession est de se faire « corneriser » dans notre côté technico-actuariel, dans le cadre de l’application de cette réglementation.
L’actuariel : Comment contrer ce risque ?
À mon sens, il faut élargir la famille des actuaires, en allant dans plusieurs types de directions, avec des terrains de spécialisation : des actuaires technologiques, des actuaires chercheurs, où nous apporterions notre expérience de terrain pour orienter la recherche mathématique et le data science, ou la recherche algorithmique. Nous aurions également tout intérêt à accueillir les gens du risque, pour regrouper tous les métiers du risque.
L’actuariel: Les actuaires sont-ils pour l’heure suffisamment formés à la stratégie et au management ?
Les actuaires sont de plus en plus amenés à travailler de manière transversale avec les équipes des entreprises, et là où nous avons beaucoup à faire, c’est sur la capacité à communiquer : communiquer en Internet, savoir faire une communication, savoir « vendre » une analyse, des résultats… C’est aussi une question de pédagogie que nous devons nous poser. Apprendre à nos élèves à reformuler leur savoir et à le transmettre, apprendre à penser, c’est le meilleur moyen d’enseigner leur métier aux futurs actuaires.
Propos recueillis par Béatrice Madeline