La formation, le socle de l'expertise
À la différence des Anglo-Saxons, qui privilégient la pratique, les actuaires français sont issus de formations universitaires de très haut niveau, adossées à la recherche. La qualité de ces dernières est en permanence auditée par la profession.
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La formation des actuaires, en France, est extrêmement encadrée par la profession, garante du contenu des diplômes. L’Institut des actuaires, en effet, exerce un contrôle a priori, ne reconnaissant que dix formations initiales habilitées à délivrer le diplôme. Et toutes ces écoles ou cursus universitaires, dont sortent chaque année environ 200 jeunes actuaires au total, dispensent un contenu commun, le Core syllabus français. Celui-ci répond au socle minimum défini par l’AAI et l’AAE, complété des déclinaisons propres à la législation ou à la réglementation françaises. Régulièrement remis à jour sous l’égide de la commission scientifique de l’Institut des actuaires, le Core syllabus s’ouvre à des sujets nouveaux qui intéressent la profession, tels que la gestion des risques financiers, ou désormais les bases de traitement du Big Data. |
Au-delà de ce socle commun, chaque école apporte sa touche propre ou en développe davantage tel ou tel apprentissage : économie, statistiques, modélisation…
L’expertise s’ajoute ainsi aux bases solides enseignées à tous les futurs professionnels au travers du tronc commun unique. Enfin, chaque apprenti actuaire, avant de pouvoir devenir membre de l’Institut des actuaires, se doit de rédiger et soutenir un mémoire qui complète sa formation. Au contraire des actuaires anglo-saxons, qui peuvent être de niveau bachelor (bac+3), tous les actuaires français sont donc au moins de niveau bac+5, ce qui en fait des experts particulièrement appréciés, par exemple à la City, où l’on en dénombre environ 200 selon les statistiques tenues par l’Institut des actuaires.
Pour vérifier la qualité des formations, l’Institut des actuaires effectue des audits réguliers. « Il s’agit d’un audit qui permet de vérifier l’adéquation des formations données au core syllabus, souligne Jérôme Vignancour, actuaire agrégé IA, secrétaire de la commission scientifique. Nous regardons le mode de sélection des étudiants, les modalités de contrôle des connaissances, les profils des enseignants, ce qui permet de renforcer la délégation que nous donnons aux différentes filières pour respecter le Core syllabus français et international… Nous émettons des recommandations, qui font ensuite l’objet d’un suivi, mais cet audit permet de détecter les points forts entre les filières pour accélérer les échanges et renforcer l’excellence des actuaires français au niveau international. »
Continuer à se perfectionner
Ce dispositif s’enrichit d’une ouverture vers la recherche, certaines écoles disposant même de leur propre laboratoire. Une fois en activité, les actuaires se prêtent à un perfectionnement de leurs connaissances tout au long de leur carrière, notamment en suivant des formations du type « Data Scientist » ou « ERM » (Entreprise Risk Management). La difficulté, en effet, est de conférer à des professionnels dont la carrière devrait s’étendre sur plus de quarante ans un socle de connaissances durable, mais accompagné d’une expertise pointue sur les dernières avancées techniques ou réglementaires.
Enfin, l’internationalisation des entreprises qui emploient les plus gros bataillons d’actuaires, ainsi que des normes et de la réglementation (ne serait-ce que pour la directive Solvabilité II) amènent la profession à réfléchir à une formation commune. « Dans quelques années, il y aura sans doute un diplôme d’actuaire européen », prédit Michel Delecroix, directeur de l’Isup. De quoi donner encore plus de perspectives aux apprentis actuaires.