Entretien R De Laroullière
« 2015 : la consécration législative de l’actuariat en France »
Régis de Laroullière, directeur de l’Institut des actuaires et actuaire agrégé IA
L’actuariel : Quand est né le métier d’actuaire ?
Régis de Laroullière : L’actuariat est né au XVIIIe siècle. Parmi les pionniers en France figurent le mathématicien et académicien Antoine Deparcieux, qui publie en 1746 son Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, contenant les tables de mortalité qui deviendront célèbres, et l’économiste Emmanuel-Étienne Duvillard, qui publie en 1787 ses Recherches sur les rentes, les emprunts et les remboursements. Le métier d’actuaire a pris son essor au XIXe siècle, parallèlement au développement de la finance et des sociétés d’assurances, en Angleterre puis sur le continent. L’Institute of Actuaries, le premier du genre, a été créé à Londres en 1848. La France a suivi avec la création du Cercle des actuaires français en 1872, précurseur de l’Institut des actuaires français lui-même né le 30 mai 1890.
L’actuariel : Comment se développe la profession à l’échelle mondiale ?
RdL : À la fin du XIXe siècle, le métier franchit une étape clé, par la création d’associations d’actuaires dans de nombreux pays dont, en 1895, l’American Society of Actuaries ainsi que l’Institute of Actuaries of Japan. Quelques années plus tard, est créée l’Association actuarielle internationale, posant les bases sur lesquelles va se construire ce qui deviendra en 1998 la première profession organisée au niveau mondial.
L’actuariel : Quelles sont les grandes évolutions en cours ?
RdL : Les compétences des actuaires et l’utilité sociale de leur rôle ont conduit à leur conférer un statut spécifique dans les sociétés d’assurances dans différents pays, principalement anglo-saxons, alors qu’en France les actuaires salariés restent soumis aux obligations de subordination qui résultent du Code du travail. Une évolution majeure s’est enclenchée au début des années 2000. Initiée à la suite des scandales Enron et Worldcom aux États-Unis. Elle a trait, à l’origine, à la gouvernance des sociétés cotées et a donné naissance aux USA à la loi Sarbanes-Oxley votée le 31 juillet 2002. En Europe, la 8e directive (transposée en droit français par l’ordonnance du 8 décembre 2008) édicte des dispositions de même inspiration, et sa transposition en étend le champ d’application en France aux organismes financiers (banque et assurance). La directive européenne Solvabilité II pour ce qui concerne les entreprises d’assurances, votée le 22 avril 2009, structure cette nouvelle gouvernance pour ce qui concerne les entreprises d’assurances. Elle leur impose la mise en place d’une fonction actuarielle et d’une fonction gestion des risques. L’ordonnance de transposition de Solvabilité II du 2 avril 2015 consacre l’actuariat dans la législation française dans le secteur de l’assurance.
Propos recueillis par Béatrice Madeline