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18 décembre 2015

Interview de Mathias Matallah, actuaire qualifié IA, président du cabinet Jalma, spécialiste de la p

Interview

« Le système n’est pas viable financièrement »

l’actuariel : Le système de protection sociale est-il encore adapté à notre économie ?

Mathias Matallah : Aujourd’hui, notre système n’est pas plus absurde qu’un autre. La protection sociale des individus est plutôt plus élevée que par le passé. Le système ne s’adapte donc pas si mal que ça à l’évolution de notre économie, même si cela se fait toujours avec un temps de retard. La vraie question aujourd’hui est de savoir si le système est viable en termes de financement.

l’actuariel : La question n’est pas nouvelle…

M.M. : Elle se pose avec une acuité particulière, puisque le financement du système a été calibré sur le rythme de croissance des Trente Glorieuses. Aujourd’hui, les projections sont régulièrement établies sur la base d’un retour de la croissance l’année suivante… Mais si on s’appuie plutôt sur l’hypothèse de la stagnation séculaire, telle qu’elle existe actuellement aux États-Unis, les systèmes de protection sociale ne sont pas viables financièrement. Sauf à baisser de manière drastique toutes les prestations, ce que les Français ne sont pas prêts à entendre, le système va imploser. La seule inconnue est de savoir quand. S’il n’y a pas de nouvelle crise majeure comme celle de 2008, cela se produira dans cinq à dix ans. 

l’actuariel : Les réformes successives des régimes de retraite ou les mesures d’économie sur l’assurance-maladie n’ont pas suffi ?

M.M. : Les réformes qui ont été faites n’en étaient pas réellement. On ne laisse pas le système faire des gains de productivité. Par exemple en matière de santé, on hésite à fermer des hôpitaux vétustes et inutiles. La vraie raison est qu’au fond le système de santé, en France, sert moins à soigner les gens qu’à créer ou maintenir des emplois stables et pas trop mal payés. C’est exactement le même problème pour les fermetures de casernes ou de tribunaux d’instance, d’ailleurs. D’où la vraie difficulté à réformer.

l’actuariel : Quel sera le déclencheur ?

M.M. :Quand Margaret Thatcher est arrivée au pouvoir, la Grande-Bretagne était en train de devenir un pays du tiers-monde. C’est là que les choses ont commencé à changer. Nous ne sommes pas encore tombés assez bas pour réagir.l’actuariel : L’Allemagne, elle, a bien réussi à réformer son système social sans en arriver à une telle extrémité ?M.M. : Oui, c’est d’ailleurs la preuve qu’on peut y arriver. Mais le système politique allemand est le fruit d’une histoire qui n’est pas la nôtre, leur expérience n’est pas transposable. Mais regardez : alors qu’en France certains en sont encore à se battre pour défendre la retraite à 60 ans, en Allemagne ils sont en train de réfléchir à la repousser, dans certains cas, à 70 ans !

l’actuariel : « L’uberisation » de l’économie menace-t-elle l’édifice ?

M.M. : Effectivement, on assiste à une décrue du salariat et à l’accroissement d’une population de personnes qui travaillent de manière plus indépendante. Le vrai risque est que ces personnes ne paient plus leurs cotisations sociales et qu’on assiste à l’explosion du travail au noir. La grande différence entre un chauffeur de taxi Uber américain et un français, c’est que le chauffeur de taxi américain est imposé à la source, alors que le français ne l’est pas et peut donc déclarer ce qu’il veut. Il se produit la même chose avec les grandes entreprises qui organisent une évasion fiscale généralisée.

l’actuariel : Pourquoi entend-on si peu les assureurs sur ces sujets ?

M.M. : Les assureurs actuellement ont un problème : ils ne savent plus bien comment l’essentiel du business, qui est l’assurance-vie, peut survivre dans un univers où les taux d’intérêt sont à zéro, et où leurs contraintes existentielles tournent autour de Solvabilité II.

Propos recueillis par Béatrice Madeline

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