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14 juin 2011

Australie : Les inondations liquident l’ancien modèle d’assurance

Article publié dans The Australian, quotidien australien, le 10 mai 2011

Les pertes des compagnies d’assurances démontrent clairement que le Queensland est la région la plus exposée aux inondations et autres catastrophes naturelles.

Lors d’inondations, la perte de vies humaines peut être désastreuse et les coûts matériels calamiteux. Les événements du début de l’année en témoignent. Les fonds de reconstruction doivent être répartis de manière prudente, et des actions raisonnables s’imposent pour atténuer les risques de futures inondations.

Tirant profit d’expériences étrangères, il convient de réfléchir à une action conjointe de financement public/privé. C’est ce qu’exprime la proposition de l’Institut australien des actuaires soumise à la Commission d’enquête du Queensland.

Les actuaires jouent un rôle majeur en aidant les compagnies d’assurances à fixer le prix des risques et à estimer le coût des inondations pour les assureurs et réassureurs. D’où l’intérêt de l’Institut pour l’enquête et l’audit du gouvernement fédéral sur l’assurance catastrophes naturelles, présidé par l’actuaire senior John Trowbridge.

Le versement sans réserve de compensations suite à un sinistre est susceptible d’accroître le risque moral, puisqu’il affaiblit les incitations à une réduction des risques, à une limitation des pertes ou à une réduction directe des pertes. Si, à la suite d’une catastrophe naturelle, les citoyens s’attendent à une indemnisation financée par les contribuables, ils risquent de négliger la nécessité d’être responsables de leur propre gestion des risques.

 

Nombre d’Australiens sous-estiment ou ignorent le risque d’inondation dans leur voisinage. Ainsi, une allocation prudente des indemnités peut inciter les propriétaires fonciers à réduire leur exposition, ou les dissuader de s’exposer davantage.

Pour promouvoir des normes de reconstruction adéquates, il convient d’adjoindre des clauses conditionnelles aux paiements compensatoires. Exemple : l’indemnité peut être exclue pour des biens qui ne correspondent pas aux critères définis, tels que la date de construction ou une hauteur insuffisante du sol du bâtiment. De même, les indemnités pourraient être conditionnées à la volonté des propriétaires d’entreprendre des travaux de rénovation susceptibles de réduire les risques par la suite.

 

La croissance démographique pousse les autorités à débloquer des terrains dans les zones inondables, ce qui explique en partie pourquoi les inondations récentes ont causé plus de dégâts que l’inondation de Brisbane en 1974.

Il faut aussi faire en sorte d’éviter des chantiers qui, favorisés par les collectivités locales et les entreprises de BTP, sont susceptibles d’accroître les coûts sociaux. Les projets retenus ne devraient pas être de nature à inciter la construction d’habitations non résistantes aux inondations dans des zones à risque.

Les mesures prises pour réduire les inondations peuvent s’avérer plus efficaces que l’indemnisation des dommages. Ceci peut inclure la construction de nouvelles digues et le rehaussement des digues existantes ; l’aménagement de nouvelles levées et leur rehaussement, ainsi que d’autres travaux publics tels que des canaux de déviation et de drainage. L’État pourrait aussi racheter des propriétés à haut risque d’inondation et augmenter la prime d’assurance pour des installations à risque (infrastructures routières, habitations, etc.).

 

Autres points noirs : l’accès et le prix des assurances privées. En effet, si elles sont évaluées en fonction des risques encourus, les primes en zone inondable seront très élevées, voire hors de prix, les assureurs pouvant même décider de refuser la couverture.

Selon Bill Shorten, secrétaire adjoint du Trésor fédéral, l’audit sur l’assurance catastrophe naturelle du gouvernement fédéral sera guidé par le principe selon lequel « l’intervention publique dans les marchés de l’assurance n’est justifiée que lorsqu’on constate une carence évidente du marché à proposer une couverture appropriée à un coût abordable ».

Notre proposition à la Commission d’enquête en appelle à la reconnaissance du caractère local du risque d’inondation, et prend note que, sans réglementation ni intervention, le fardeau financier sera le plus élevé dans les régions à risque. La couverture pourrait ainsi s’avérer inabordable ou impossible dans certaines régions.

Il s’ensuit que, sans obligation de s’assurer et/ou sans subventions publiques ou discriminations d’ordre local, la situation actuelle de sous-assurance ou d’absence d’assurance assortie d’un espoir d’indemnisation aux frais du contribuable sera difficile à régler.

Peter McCarthy

traduit par Jacob Arfwedson

Peter McCarthy préside l’Institut des actuaires au sein du Comité de pratique de l’assurance d’Australie.

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