Bastien Potentier, analyste chez Arch reinsurance, actuaire associé IA
L'actuariel : Sur quelle approche peut-on s’appuyer pour modéliser le risque terroriste ?
Bastien Potentier : Il y a deux approches principales. La première, plutôt privilégiée par les pouvoirs publics, se fait à travers des indicateurs simples de risques potentiels. On définit des cibles qui ont une valeur de symbole et en fonction de pertes humaines potentielles. La seconde, utilisée par les assureurs, est celle de la perte maximum probable (PML). Il s’agit de faire une étude statistique du portefeuille, de voir quelles sont les zones d’exposition et de là définir des scénarios déterministes sur lesquels on va générer des scénarios aléatoires (realistic disaster scenarios, RDS).
L'actuariel : La modélisation des assureurs a-t-elle beaucoup évolué ces dernières années ?
B.P. : Pas vraiment, les premiers modèles terroristes ont été développés après le 11 septembre 2001 et ce drame reste la base pour les modélisations actuelles. N’oublions pas que le terrorisme comme tous les risques extrêmes est un sinistre de faible fréquence et de très haute sévérité. On est plutôt sur une approche qui réplique un événement historique. On scénarise avec des bâtiments qui explosent, des bombes sur des sites stratégiques… à partir desquels vont être calculées les pertes matérielles et humaines, c’est à dire les valeurs potentiellement assurées.
L'actuariel : Mais cela ne va-t-il pas changer avec Solvabilité II ?
B.P. : Dans le cadre de l’Orsa, il est en effet stipulé que la compagnie doit connaître les risques auxquels elle est exposée. Elle doit pouvoir les quantifier et cela vaut pour les risques extrêmes. Mais dans le cas des risques terroristes, elles ont peu d’expérience pour le faire.
L'actuariel : Les événements survenus en France en 2015 permettent-ils d’améliorer les modèles, notamment sur les pertes d’exploitation sans dommage ?
B.P. : D’abord il y a un décalage assez important dans le temps entre le drame et les analyses possibles. Pour le Bataclan par exemple, il faudra plusieurs mois afin d’avoir une vue précise sur les pertes financières. Car la police dommage couvre l’événement et la perte d’exploitation directement associée, en l’occurrence la non-réouverture de l’établissement s’il a été détruit. Mais elle ne couvre pas les pertes d’exploitation des parcs d’attractions et des hôtels de Paris qui ont pâti de la baisse d’activité de la capitale suite aux attentats.