Interview de David Dubois, actuaire expert ERM IA, directeur du développement chez RGA
« L’actuaire n’a plus seulement une fonction de support. Il entre dans la chaîne de valeur de l’entreprise »
David Dubois, actuaire expert ERM IA, directeur du développement chez RGA, souligne le changement culturel que traversent actuellement les actuaires.
l'actuariel : Quels sont les défis de la fonction actuarielle ?
David Dubois : La fonction actuarielle évolue rapidement avec la réglementation et en particulier avec Solvabilité II, qui officialise toute l’importance de celle-ci. Traditionnellement, l’actuaire évalue les risques de façon statistique et juge de la robustesse de ses modèles ; il est trop souvent cantonné à une vision en silo de l’entreprise. Avec le développement de l’ERM et le rôle clé confié à la fonction actuarielle, l’actuaire va être amené à avoir une vision très large de l’entreprise. Il doit apprendre à repositionner ses chiffres dans un environnement global et accepter d’être exposé.
L'actuariel : C’est presque un changement culturel ?
D.B. : Quasiment. L’actuaire français a une forte technicité pour modéliser et valoriser le risque, avec une vision « ingénieur ». Solvabilité II pousse les actuaires à se doter d’une dimension financière plus large. Enfin, à l’image de l’actuaire anglo-saxon, il va devoir intégrer directement la profitabilité attendue pour l’entreprise, en tant que contrainte a priori.
l'actuariel : Y a-t-il une différence entre assureur et réassureur ?
D.B. : Si l’on prend la réassurance de personnes, c’est un secteur où il y a de nombreux actuaires, à la fois dans les fonctions techniques et les fonctions commerciales.
Les réassureurs ont adopté très tôt une démarche ERM, incluant le développement de modèles d’allocation de capital, en ligne avec les attentes des agences de notation. Ces modèles sont tournés vers l’optimisation de la profitabilité et la satisfaction des contraintes imposées par ces mêmes agences de notation. Enfin, le secteur de la réassurance est par nature même très international, la vision des marchés et des pratiques est nécessairement plus large.
L'actuariel : Quelle est la conséquence de Solvabilité II sur la profession ?
D.B. : Solvabilité II amène la fonction actuarielle à prendre de nouvelles responsabilités. Son article 48 confère à la fonction actuarielle le rôle de garant des chiffres et des méthodes. Or, ces éléments influencent directement la prise de décision. En prenant position et en émettant des avis, l’actuaire s’engage et c’est pourquoi il doit être protégé si l’on veut garantir à la fois son autonomie et son efficacité. En retour, l’actuaire voit son rôle valorisé au sein de l’organisation. Avec Solvabilité II, nous sommes presque passés de l’ombre à la lumière, et d’un environnement normatif et prudentiel à une réglementation qui responsabilise tous les acteurs de la chaîne du risque.
Propos recueillis par Florence Puybareau